March 23, 2023

La SITL 2023 : une édition clé pour le secteur logistique en France

Accompagner les collectivités pour une logistique urbaine efficace et durable

Dans cette interview exclusive, Anne-Marie Idrac, présidente de l’association France Logistique, nous livre ses réflexions sur les enjeux actuels de l’industrie et les perspectives d’avenir. De son parcours remarquable à ses engagements pour l’innovation et la compétitivité, découvrez l’analyse éclairante de cette grande figure du monde des affaires.

Vous êtes présidente de l’association France Logistique et donc une habituée de la SITL. Qu’attendez-vous de cette édition 2023 ? En quoi cette édition de la SITL diffère de l’édition 2022 ? 
La mission essentielle de France Logistique est d’assurer le lien entre les acteurs privés et les pouvoirs publics. L’édition 2022 se tenait juste avant l’élection présidentielle. La filière avait présenté en amont aux candidats ses propositions pour améliorer les performances logistiques ; la conférence d’ouverture de la SITL avait été le lieu de recueil de leurs positions. L’édition 2023 est la première après la publication, en décembre dernier, de la stratégie nationale logistique du gouvernement, sur notre proposition. Nous prônons de la mettre en œuvre de manière planifiée avec deux sujets prioritaires : le verdissement des transports et la disponibilité de terrains. 

C’est aussi l’édition des 40 ans, ce qui montre la permanence du rôle de la logistique dans notre société, ainsi que l’évolution constante de métiers et les capacités d’innovation du secteur. 

Comment se porte l’association France Logistique ? Comment le secteur de la logistique et des transports est-il aujourd’hui perçu par le grand public ?
L’association France Logistique en tant que telle se porte très bien. Nos membres sont soumis à de multiples raretés et hausses de coûts, allant des énergies au foncier, sans omettre les tensions sur les recrutements. Les évolutions réglementaires très exigeantes – notamment sur la décarbonation et la non-artificialisation des sols – appellent à un renforcement des dialogues entre la filière et les acteurs publics. Dans la durée, il faut travailler collectivement à la construction d’une logistique encore plus performante et écologique au service de l’économie et de la société.

La perception du secteur est assez ambivalente. L’utilité de nos services est devenue évidente. L’un des succès de nos actions est que la logistique est désormais systématiquement incluse dans les travaux des acteurs publics relatifs à l’industrie ou à l’aménagement des territoires. Cependant, force est de constater que nous avons encore des marges de progression dans l’image grand public, souvent limitée aux effets négatifs des activités et non à leurs finalités économiques et sociales. 

Quelles ont été les principales actions de France Logistique en 2022 ? Quels sont vos objectifs en 2023 ?
En 2022, nos actions ont eu 2 objectifs. Tout d’abord au plan général, sensibiliser les partis, candidats puis nouveaux élus à l’intérêt d’accompagner les acteurs privés dans leurs progrès vers la compétitivité, la durabilité et l’attractivité des chaînes logistiques. Cela s’est concrétisé par la publication d’un livre blanc et l’organisation, pour la première fois, d’une journée de tables-rondes. Le tout a abouti à la stratégie gouvernementale évoquée plus haut. Ensuite, poursuivre les travaux de fond : je citerai en particulier l’élaboration de la feuille de route transition écologique du transport routier lourd, les conférences régionales logistiques destinées à éclairer les régions sur la planification territoriale ou l’appel à projets “logistique 4.0” finançant les innovations et lancé par le gouvernement sur notre suggestion. 

En 2023, nous souhaitons continuer à avancer dans la concrétisation de ces objectifs. Il s’agit par exemple de compléter la feuille de route de décarbonation du transport routier – qui fixe des objectifs, à horizon 2025, 2030… – par un plan d’actions concrètes pour les atteindre avec, nous espérons, des aides à l’achat de véhicules et de meilleures conditions d’accès aux diverses énergies; il s’agit aussi de donner les outils opérationnels aux collectivités pour mettre en œuvre des cartographies logistiques de leur territoire, et assurer l’accès à un foncier en quantité suffisante et localisation pertinente ; enfin, accompagner les collectivités pour rendre la logistique urbaine plus efficace à tous les égards, dans le contexte des ZFE que nous souhaitons ambitieuses mais réalistes. 

Dans un contexte marqué par la pénurie de matières premières et la flambée générale des coûts de la logistique, quels leviers peut actionner France Logistique pour accélérer son plan de sobriété 2022 ?
Ce plan de sobriété a été élaboré en octobre 2022, en se concentrant sur les aspects énergétiques. Il affirme la volonté de la filière de poursuivre sa décarbonation et comprend des propositions de sobriété, pour les organisations, l’immobilier et les transports. Les entreprises s’en sont déjà largement emparées, dans le contexte de prix élevés des énergies.

Pour aller plus loin, il faut agir selon deux axes : d’une part, mettre à niveau l’accompagnement public de la transition écologique du secteur compte tenu de son importance dans l’économie et de l’ampleur des efforts à conduire notamment sur les transports. D’autre part, impliquer davantage les clients, industriels, distributeurs, dans des organisations et pratiques plus sobres pour la gestion des stocks et des flux – nous commençons à y travailler dans le cadre du Conseil national de l’industrie et en relation avec plusieurs filières fortement utilisatrices de logistique.

La SITL est-elle pour vous le lieu de toutes les innovations du secteur des transports et de la logistique ? Quelles sont les innovations qui vous semblent les plus intéressantes, voire les plus surprenantes ?
La SITL est effectivement la vitrine des innovations du secteur, dans leur diversité sur tous les maillons des chaînes logistiques, transports et stockages : il s’agit aussi bien des organisations (partenariats, mutualisation, logistique urbaine, multimodalité…), que des équipements, matériels et solutions (automatisation, digitalisation, ergonomie …). Le salon donne à voir une filière dynamique, tournée vers l’avenir, cherchant à améliorer les services rendus aux clients par des performances accrues en termes d’efficacité économique, mais aussi de qualité de vie au travail des salariés et d’empreinte environnementale.

Joker sur le choix des innovations, car représentant l’ensemble de la filière auprès des acteurs publics, il m’est difficile de désigner l’une ou l’autre.

Comment imaginez-vous le secteur de la logistique à l’horizon 2030 ?
Tout d’abord, comme l’a dit le ministre Clément Beaune à la journée de tables-rondes que France Logistique a organisée en novembre 2022 : Dans le secteur de la logistique, il ne peut pas y avoir de crise existentielle car livrer, relier et transporter seront toujours des besoins dans les années, les décennies, voire les siècles à venir”.

Cette utilité pourrait même s’affirmer encore davantage : je pense que les acteurs logistiques sont appelés à un rôle majeur dans les actions de réindustrialisation et de résilience des Supply Chains : une part plus importante de “made in France” va de pair avec davantage de besoins en services logistiques performants. Ils sauront s’adapter aussi par exemple aux évolutions vers davantage de rénovations dans le secteur du BTP, au développement de l’économie circulaire et des recyclages, aux grands projets du secteur de l’énergie… Globalement, les attentes de toutes les parties prenantes sont très stimulantes : verdissement, intelligence des solutions, attractivité des métiers…


SITL 2023: A significant event for the logistics industry in France

Supporting local authorities for efficient and sustainable urban logistics

In this exclusive interview, Anne-Marie Idrac, President of the France Logistique association, shares her thoughts on the current challenges facing the logistics industry and the outlook for the future. From her remarkable career to her competitiveness and commitment to innovation, discover the insightful analysis of this great figure in the business world.

As President of the France Logistique association, you are a regular attendee of SITL. What are your expectations for the 2023 edition, and how does it differ from the 2022 edition?
France Logistique’s main mission is to foster connections between private players and public authorities. The 2022 edition took place just before the presidential election, during which the logistics industry presented its proposals for improving logistics performance to the candidates. The opening conference of SITL was the platform for collecting their positions. In contrast, the 2023 edition is the first one after the Government’s publication of the national logistics strategy, which was proposed by our association in December. We advocate for its planned implementation, with two priority topics: greening of transport and availability of land.

Moreover, it is the 40th-anniversary edition of SITL, highlighting the logistics industry’s permanent role in our society and the constant evolution of the sector’s professions and innovation capacities.

How is the France Logistique association doing? How is the logistics and transport sector perceived by the general public?
The France Logistique association is doing very well. Our members face multiple scarcities and cost increases, ranging from energy to land, not to mention recruitment challenges. The stringent regulatory changes, particularly on decarbonisation and the non-artificialisation of land, call for a strengthening of the dialogue between the sector and public players. In the long run, we must work collectively to build an even more efficient and ecological logistics system to serve the economy and society.

The perception of the sector is rather ambivalent. The usefulness of our services has become evident. One of our successes is that logistics is now systematically included in the work of public actors relating to industry or regional planning. However, we must admit that we still have room for improvement in the general public’s image, which often limits to the negative effects of activities and not their economic and social purposes.

Could you please tell us about the main actions taken by the France Logistique Association in 2022, and what your objectives are for 2023?
In 2022, our actions had two objectives. Firstly, we aimed to raise awareness among political parties, candidates, and newly elected officials about the benefits of supporting private actors in their efforts to improve the competitiveness, sustainability, and attractiveness of logistics chains. This resulted in the publication of a White Paper and the organisation of a day of round tables, which ultimately led to the government’s logistics strategy. Secondly, we continued with our fundamental work, including the preparation of an ecological transition roadmap for heavy road transport, regional logistics conferences, and a call for “logistics 4.0” projects that finance innovations launched by the Government at our suggestion.

For 2023, we plan to continue progressing towards these objectives. For example, we aim to complete the roadmap for the decarbonisation of road transport and set concrete actions to achieve the targets for 2025 and 2030. We also aim to provide operational tools to local authorities to implement logistics maps of their territory and to improve urban logistics efficiency in all respects.

In 2023, we want to continue to make progress in achieving these objectives. For example, we need to 1) complete the roadmap for the decarbonisation of road transport – which sets targets for 2025 and 2030 – by a plan of concrete actions to achieve them with, we hope, subsidies for the purchase of vehicles and better conditions of access to the various energies, 2) give the operational tools to local authorities to implement logistics maps of their territory, and to ensure access to a sufficient quantity of land and relevant location, and 3) accompany local authorities to make urban logistics more efficient in all respects, in the context of EPZs that we wish to be both ambitious and realistic.

In a context marked by the shortage of raw materials and the general rise in logistics costs, what levers can France Logistique use to accelerate its 2022 Sobriety Plan?
This sobriety plan was drawn up in October 2022, focusing on energy aspects. It affirms the industry’s desire to continue decarbonising and includes proposals for sobriety in organisations, real estate and transportation. Companies have already taken up the issue, in the context of high energy prices.

To go further, we need to act on two fronts: on the one hand, we need to upgrade public support for the sector’s ecological transition, given its importance in the economy and the scale of the efforts to be made, particularly in transport. On the other hand, we need to involve customers, manufacturers and distributors more closely in the development of more environmentally-friendly inventory and flow management practices. We are beginning to work on this within the framework of the French National Industry Council and in conjunction with several industries that make heavy use of logistics.

Do you see SITL as the place for all innovations in the transport and logistics sector? Which innovations do you find the most interesting, or even the most surprising?
SITL is indeed the showcase for innovations in the sector, in all their diversity on all the links of the logistics, transport and storage chains: this concerns both organisations (partnerships, mutualization, urban logistics, multimodality, etc) and equipment, materials and solutions (automation, digitalisation, ergonomics, etc). The exhibition shows a dynamic, forward-looking industry, seeking to improve the services provided to customers through increased performance in terms of economic efficiency, but also quality of life at work for employees and environmental footprint.

Regarding the most exciting innovations, difficult for me to pronounce any preference, as we are representing the entire industry.


How do you imagine the logistics sector by 2030?
First of all, as the minister Clément Beaune said at the round table day organised by France Logistique in November 2022: “In the logistics sector, there can be no existential crisis because delivering, connecting and transporting will always be a need in the years, decades and even centuries to come.”

This usefulness could even be further affirmed. I think that logistics players are called upon to play a major role in the re-industrialisation and resilience of supply chains: a larger share of “made in France” goes hand in hand with a greater need for efficient logistics services. They will also be able to adapt, for example, to changes towards more renovations in the building and public works sector, to the development of the circular economy and recycling, to major projects in the energy sector, etc. Overall, the expectations of all stakeholders are very stimulating: greening, intelligent solutions, attractiveness of professions, etc.